Nos lectures autour du salon
Avant d’être membres de l’association, nous sommes d’abord des lecteurs. Découvrez les ouvrages de nos invités que nous avons lus…
Je veux un chat et des parents normaux
Le journal de Taloula, L’Intégrale, Actes Sud junior
Marion Achard est à la fois artiste de cirque et auteure de romans pour enfants et adolescents et de bandes dessinées où elle raconte les souvenirs de la seconde guerre mondiale de de ses deux grandes tantes. Elle vit et travaille dans la Drôme.
Deux classes de CM1-CM2 de l’école Roger Marty de Montmeyran vont la rencontrer dans le cadre de notre salon.
Taloula a un prénom qu’elle n’aime pas, des parents artistes de cirque et anticonformistes, un grand frère stupide. Elle a du mal à avoir des ami(e)s et ne peut pas avoir un chat à cause de l’allergie de son père…
Heureusement elle est très intelligente au point de sauter des classes et c’est une excellente stratège qui va pouvoir arriver à ses fins.
Elle raconte tout cela dans son journal intime qui a beaucoup de succès auprès des enfants…
Daniel S.
ACHARD Marion
Lisou, Quand la nuit tombe, est le dernier livre publié par Marion Achard. Elle est la scénariste de cet album et elle a choisi de raconter en images cette fois(illustration de Tony Galmes) une histoire qui la touche : celle de ses grands-tantes, Lisou et Mylaine, parentes de Simone Veil. L’histoire est forcément touchante puisqu’on voit des hommes, des femmes et des enfants, dans un décor qu’on reconnaît : celui du Vercors. Le graphisme choisi est d’une grande douceur dans les couleurs et les formes et nimbe le récit de tendresse. Les faits racontés sont terribles, on les connaît et on les reconnaît mais l’ambiance particulière facilite la transmission de ce passé douloureux. Un album à faire lire aux jeunes, moins jeunes parce qu’il ne faut pas oublier.
Elisabeth
BOQUEL Anne
L’enfant de la rage, Robert Laffont
L'enfant de la rage d'Anne Boquel est un roman réaliste et sobre. C’est l’histoire de Yohann, un adolescent, blessé dans une descente de CRS sur la ZAD où il militait.
La psychologie des personnages est détaillée avec minutie, ce qui rend l’histoire réaliste et actuelle.
Ce récit est le cri d’une maman prête à tout pour son fils, elle va essayer de le comprendre : Laurence sent l’esprit de son fils l'accompagner à chaque fois que ses pas la mènent à la zad. Par contre le père rejette les zadistes qu’il tient pour responsables du drame.
L'absence de prise de position de l'auteure sur les idées défendues par les zadistes et sur les réactions des parents est remarquable. De plus, Anne Boquel nous offre un portrait de femme inoubliable, celui d'une mère dont la lente émancipation est décrite avec délicatesse.
La plume est soignée, maîtrisée, directe sans fioritures. A découvrir !
BRISSOT Camille
La Maison des reflets, Syros jeunesse
Qui accepterait de laisser partir un être cher alors qu'il pourrait le garder à ses côtés pour toujours ?
Dans un futur proche du nôtre, la société a vu se créer des établissements spéciaux, appelés Maisons de Départ, dont le but est d'accompagner les gens dans le processus de deuil. En appui avec une intelligence artificielle, on y crée des reflets des disparus, c'est-à-dire des personnages en réalité virtuelle qui reproduisent, à la perfection, physique et caractère de leur modèle. Ainsi a-t-on l'impression que le proche décédé est encore de ce monde.
On pourrait croire, avec un tel univers, que l'ouvrage lui-même serait lugubre ou triste ; pas du tout.
La Maison Edelweiss est au contraire un lieu haut en couleur, mouvant, vivant en quelque sorte. Daniel, le narrateur, est le plus gros atout du roman : il a grandi dans la Maison et a de ce fait un rapport particulier avec les reflets, rapport qu'il va petit à petit interroger ; ses réflexions sont pertinentes, ses réactions justes, et sa relation avec Violette, que l'on voit s'approfondir, est touchante à plus d'un titre.
Bien entendu, le rapport à la mort est au centre de l'histoire, mais ce n'est pas tant les premières étapes du deuil (le choc, le déni, la colère, la tristesse) qui intéressent, que la toute dernière : l'acceptation. La plus dure à passer, celle pour laquelle les rites que les sociétés ont toujours mis en place prennent tout leur sens.
Les questionnements soulevés, bien que profonds, sont traités avec une grande délicatesse. Le roman ne tente jamais de prendre parti, les Maisons de Départ sont présentées avec leurs avantages comme avec leurs désavantages. En fait, tout pousse à s'interroger, de manière personnelle, sur son propre rapport au deuil et la façon dont on peut avoir soi-même vécu l'épreuve.
En somme, La maison des reflets est un livre qui, par son narrateur sincère et le traitement délicat de ses thématiques, peut laisser une marque durable dans le cœur du lecteur.
FALMARES
Soulagements, Edition les Mandarines, son premier éditeur (3 recueils)
Syli, ô Guinée, Yigui
Catalogue d’un exilé, Flammarion
Falmarès, c’est le nom de plume d’un enfant guinéen qui a perdu sa mère à 14 ans (ma mère est morte dans mes bras/comme un vieil entonnoir de deux ans), est parti pour l’Europe dans laquelle il est parvenu au bout d’un an d’un parcours difficile et traumatisant.
La littérature et la poésie lui ont servi de bouée de sauvetage, lui ont permis de dépasser tous ses souvenirs :
Je suis mort,
Je suis mort dans le désert du Sahara
et aujourd'hui tout le temps qui me reste à vivre
est une seconde chance
Il a beaucoup lu dans les médiathèques, a découvert Rimbaud (Je construirai un château alchimique à Paris) et Ponthus - qui aurait dû venir à notre dernier salon si la mort n’en avait pas décidé autrement et dont il ne faut pas oublier le magnifique À la ligne.
Sa poésie mêle le soussou et le français avec une grande richesse de vocabulaire et de références culturelles, il crée des alliances de mots surprenantes, son lyrisme est fortement inspiré du chant incantatoire des griots :
Je suis ce poète à langue d'oiseau
Fils d'Afrique lointaine
Petit-fils de griot et de paysans.
Ses thèmes sont l’exil, les différentes vies qu’il a menées malgré son jeune âge, l’amour de la Guinée, la liberté…
Ô je ne suis pas Migrant !
Je suis un homme libre
Le monde est mon pays
La terre est ma demeure.
Daniel S.
FAYOLLE Marion
Du même bois, Gallimard
Avec son premier roman, Marion Fayolle montre qu’elle maîtrise autant l’écriture – tout en croquis – que le graphisme. Elle raconte le rude quotidien d’éleveurs en Ardèche, leur vie cyclique d’’un corps de ferme à l’autre avec les vaches au milieu. Cycle de la vie, de la naissance et de la mort, des parents et des enfants, des saisons et du paysage, de la folie et de l’apaisement.
Les personnages de ce roman n’ont d’ailleurs pas de nom, mais des termes génériques : la ferme, les bêtes, les mères, l’orphelin… ce qui rend le livre universel.
Marion Fayolle transmet ses souvenirs et son amour d’un monde rural disparu à travers le portrait de la petite dernière qui devra gérer un héritage complexe : « C'est pas toujours facile d'être un petit tout, d'avoir en soi autant d'histoires, autant de gens, de réussir à les faire taire pour inventer encore une petite chose à soi. » et s’inquiéter ensuite pour son enfant : « La gamine pose ses mains sur son ventre, son bébé vient s’y lover. Elle se demande à quoi il va ressembler. Il s'imprime en taille-douce dans le revers de sa peau. Elle sait que l'encre se loge dans le fond des entailles, que toutes ses failles se verront sur lui ».
Ce court roman à l’écriture poétique vous touchera profondément.
Daniel S.
GUERRA Eve
Rapatriement, Grasset
C’est le premier roman (couronné par le Goncourt du 1er roman 2024) d’une autrice de 35 ans, née au Congo d’un père italien et d’une mère congolaise.
A l’occasion de la mort de son père resté en Afrique, avec lequel elle a coupé les ponts depuis deux ans alors qu’elle en était très proche, elle cherche à faire rapatrier le corps. Ce faisant, elle quitte Lyon où elle habite pour la région de Royan où vit sa famille paternelle.
Au fur et à mesure qu’elle se heurte à son entourage, elle va prendre conscience de ce qu’elle est, de la déliquescence de sa vie. Elle comprend qu’elle a perdu pied, que même la littérature qu’elle croyait salvatrice ne lui est d’aucun secours.
Le rapatriement, c’est celui du corps du père, mais c’est aussi sa vie, son corps, son âme qu’elle va devoir rapatrier.
Une écriture très travaillée qui m’a happée et qui dessine le portrait d’une jeune fille parfois énervante dans ses errances, une jeune femme métisse qui va devoir se choisir une patrie, peut-être la littérature.
C’est un premier roman très prometteur.
LE TELLIER Hervé
Le nom sur le mur est un livre touchant, d’autant plus qu’il est illustré de photos du jeune homme. L’époque et le contexte historique sont reconstitués avec minutie, et c’est passionnant !
Il rend aussi hommage au village de Dieulefit qui accueillit beaucoup de réfugiés juifs, communistes ou espagnols.
A travers cette enquête, l’écrivain s’interroge aussi sur la liberté, le fascisme, la banalisation et l’acceptation des idées extrêmes ( toujours d’actualité ).
« On ne débat pas de telles idées , on les combat … »
Un beau et juste hommage que je vous conseille fortement. Merci Monsieur Le Tellier .
Sonia
MEDELINE François
La Sacrifiée du Vercors et Les Larmes du Reich, 10-18
François Médeline a passé son adolescence à Romans-sur-Isère. Il écrit des romans noirs et policiers en lien avec l’histoire et la politique comme La politique du tumulte, Tuer Jupiter, La Résistance des matériaux.
La Sacrifiée du Vercors et Les Larmes du Reich, parus en 2021 et 2022, sont deux romans policiers en lien avec la Seconde Guerre mondiale et l’histoire de la Drôme.
Le premier est une tragédie qui respecte une unité de lieu, d'action et de temps autour de Saint-Martin-en -Vercors en juillet 1944, avec des personnages librement inspirés de la réalité : meurtre d’une jeune femme violée et tondue, règlements de compte, chasse à l’Italien, enquête menée par un récent » commissaire de police près le général à l’épuration » et une photographe américaine de Life.
Les titres de chapitres sont empruntés à divers poètes comme René Char, René-Guy Cadou, Jean Tardieu, Robert Desnos, Édith Thomas, Paul Éluard, Louis Aragon …
Les Larmes du Reich débute comme un banal fait divers dans une ferme située au pied de la colline de Divajeu. L’inspecteur Michel, dont on découvrira peu à peu la personnalité trouble, va parcourir la Drôme et la France et mettre à jour les répercussions des actes et des comportements de la dernière guerre : enfants cachés non rendus, prostitution dans les camps de concentration…
Scénario qui ne laisse pas de répit au lecteur, récit très concis, obscurité et mystère caractérisent ce roman très noir.
Daniel S.
MOREL DARLEUX Corinne
La sauvagière, Points
Après un accident de moto, la narratrice est recueillie par Jeanne et Stella, deux mystérieuses femmes qui habitent au cœur de la forêt. C’est ici qu’elle va réapprivoiser son corps...
La sauvagiére offre une lecture mystérieuse, ensorcelante, magnétique qui appelle à faire une pause dans la vie quotidienne, à se recentrer sur soi-même, à lâcher-prise.
La plume est magnifique, poétique, sensuelle ; elle nous envoûte, elle nous propose d’entrer en fusion avec cette nature profonde.
Laissez-vous porter par cette fable onirique, un voyage entre rêve et réalité dont vous sortirez apaisés!.
En outre, la couverture est sublime, une vraie œuvre d’art.
Sonia
La Sauvagière (lieu de retraite où l'on se met à l'abri des interactions humaines) est le premier roman pour les adultes de l’autrice..
La narratrice a fui un travail oppressant et la vie citadine et ses contraintes. Suite à un grave accident de moto, elle se retrouve dans une cabane isolée où deux femmes la soignent et s’occupent d’elle.
Elle découvre la sororité sans la nécessité des paroles pour se comprendre, le silence, les chuchotements de la nature, la vie en autarcie et en phase avec le vivant…
Ce roman à l’écriture poétique (peut-être parfois un peu trop) devient de plus en plus onirique et mystérieux. Les deux femmes disparaissent poussées par leur part d’animalité, qui finit par gagner aussi la narratrice qui oscille entre deux mondes…
Le gang des chevreuils rusés est un petit roman jeunesse amusant et engagé où la narratrice et ses amis se battent contre un projet de grand hôtel avec golf qui va détruire la nature autour d’un petit village.
Là où le feu et l'ours. Histoire de Violette : roman initiatique et dystopique qui raconte la rencontre d’une jeune femme sans mémoire et d’un ours nouveau-né, leur voyage dans une steppe dévorée par des vents de feu jusqu’à l’Oasis, une espèce de jardin d’Eden où les habitants vivent en autarcie et en harmonie avec la nature. Une jeune femme rebelle Princesse Cheyenne deviendra alors la narratrice de la fin du roman.
Le récit est complété par un riche carnet où l’autrice explique la genèse et la construction de son livre, parle de ses influences littéraires et de ses recherches et nous fait réfléchir sur le climat, la société et notre rapport au vivant.
Daniel S.
PATURAUD Valérie
La cuisinière des Kennedy, Ed Les Escales
Nézida, Liana Lévi
Une vie heureuse malgré un triste départ d'enfant abandonnée, tel est le destin captivant de cette cuisinière drômoise cheminant jusqu'aux coulisses de la Maison Blanche. Cette histoire bien documentée pourrait illustrer le travail de Cyrulnik sur la résilience mais on aurait aimé un peu plus de chair et de sang dans la narration de ce récit néanmoins intéressant.
Du même auteur, nous vous recommandons Nézida, roman polyphonique qui raconte la vie brève d’une jeune femme passionnée, libre, indépendante dans la Drôme rurale et protestante de la seconde moitié du XIXe siècle.